Épizootie. La deuxième vague de la maladie de la langue bleue est prévisible
Les mois d’hiver ne favorisent pas le moucheron vecteur de la maladie de la langue bleue. Point de situation.
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Wikimédia
Martine Romanens
21 janvier 2025 à 13:35
La période d’inactivité vectorielle, prévue jusqu’au 31 mars 2024 (sous réserve de modifications), est l’occasion de faire à nouveau le point sur la maladie de la langue bleue (BT), également connue sous le nom de fièvre catarrhale ovine (lire aussi Agri du 1er novembre 2024).
Situation
Actuellement, en Suisse, selon les dernières informations de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), le sérotype 3 (BTV-3) circule dans la moitié nord du pays. Ce ne sont pas moins de 1917 exploitations qui ont été contaminées par ce sérotype au 10 janvier 2025. Le sérotype 8 (BTV-8) est quant à lui dominant en Suisse romande et au Tessin et a été identifié, à la même date, sur 219 exploitations (voir les graphiques ci-dessus).
Le BTV-3 était présent en 2023 en Belgique, aux Pays-Bas, en Allemagne et en Grande-Bretagne. L’an dernier, il a été mis en évidence dans 16 pays européens. Quant au BTV-8, c’est lui qui sévissait déjà lors de la première épidémie de langue bleue, en 2008.
Microbe
Le virus de la langue bleue (orbivirus) est transmis par des moucherons (lire encadré). Selon l’OSAV, les animaux ne se contaminent pas directement entre eux, mais un fœtus peut être infecté par sa mère et le virus est aussi présent dans le sperme et le sang. S’il se décline en 36 sérotypes, seuls deux sont identifiés pour l’instant en Suisse.
Chaque sérotype a une surface différente, ce qui oblige le système immunitaire à fabriquer des anticorps spécifiques. Une immunité naturelle est durable, mais il est impossible de développer une immunité croisée, comme une protection contre le BTV-8 après une infection par le BTV-3. Selon l’OSAV, la durée d’incubation du virus est de 5 à 12 jours à partir de la «piqûre» et le virus se multiplie dans le moucheron à partir d’environ 10 à 12°C.
Symptômes
Tous les ruminants sont sensibles à la maladie, mais les symptômes cliniques ne se manifestent généralement que chez les ovins et les bovins. Chez les chèvres et les camélidés du Nouveau Monde, ils sont moins marqués. L’OSAV a étoffé la liste des symptômes de la maladie, soit:
- diminution de la production de lait;
- fièvre élevée;
- œdème pulmonaire, détresse respiratoire, salive mousseuse;
- enflure des lèvres;
- enflure et coloration bleue de la langue;
- lésions dans la cavité buccale et sur la langue;
- œdème de la tête et des membres;
- écoulement nasal et symptômes de maladies respiratoires;
- boiteries;
- altérations au niveau des trayons;
- retours en chaleur, avortements;
- morts d’animaux.
Les symptômes du BTV-8 seraient plus légers que ceux du BTV-3. Il est à noter que des symptômes de maladies secondaires peuvent s’ajouter à cette liste (pneumonies bactériennes ou diminution permanente des performances). L’office indique qu’il faut s’attendre à des symptômes plus graves au cours de la deuxième année d’apparition de la maladie, surtout pour les infections BTV-3.
Traitement
À part pour diminuer les manifestations, aucun traitement autre qu’une vaccination préventive ne serait disponible. Toujours selon l’OSAV, les animaux peuvent se rétablir, mais il faut plusieurs mois aux ovins et plusieurs semaines aux bovins pour le faire.
Il semblerait aussi que certaines vaches gravement malades n’atteindraient plus la même production de lait qu’auparavant. La branche ovine et bovine, la Société des vétérinaires suisses, les services de santé animale et les vétérinaires cantonaux se joignent à l’OSAV pour recommander une vaccination des animaux réceptifs.
Vaccination
Ce n’est qu’en 2023 que les industries pharmaceutiques ont commencé à développer des vaccins. Par conséquent, le délai a été trop court pour mener toutes les études nécessaires à leur autorisation et les soumettre aux autorités compétentes, informe l’OSAV.
En Suisse, jusqu’en novembre 2024, il n’existait aucune base légale pour importer des médicaments vétérinaires sans autorisation de mise sur le marché. Cependant, grâce à une décision générale fondée sur l’article 9 de la Loi sur les épizooties, l’importation de trois vaccins BTV-3 est désormais permise et les premières vaccinations ont commencé.
Information
À ce propos, l’OSAV a enrichi son site internet www.blv.admin.ch, onglet «animaux», puis «épizooties». Agri reviendra plusieurs fois sur le sujet ces prochaines semaines.
Le vecteur n’est pas vraiment un moustique, mais un moucheron
Selon un webinaire proposé en septembre dernier par le Groupement de défense sanitaire France, les culicoïdes sont de petits moucherons de 1 à 3 mm appartenant à la famille des cératopogonidés. Ce sont eux qui transmettent le virus de la langue bleue. Cette transmission n’est pas immédiate: le virus doit se multiplier dans les glandes salivaires du moucheron pendant plusieurs jours ou semaines avant d’être injecté à un autre animal.
En revanche, un animal infecté peut transmettre le virus aux culicoïdes quelques jours après avoir été contaminé. Plutôt que de piquer, les femelles lacèrent la peau pour prélever du sang infecté, plutôt sur les parties de l’animal sans poils (mamelles, naseaux, contour des yeux). Ces vecteurs sont actifs de juin à fin novembre (en Suisse) et volent surtout au crépuscule et la nuit.
Selon l’entomologiste intervenante, si les conditions environnementales sont favorables et le virus présent, quelle que soit l’espèce de culicoïde (environ 80 à 100 espèces en Europe de l’Ouest), une transmission est probable. Les œufs, les quatre stades larvaires et les nymphes se développent dans des zones riches en matière organique animale ou végétale (sur pâture, fumières, herbe écrasée, trous d’arbres, fruits en décomposition, bords des mares, etc.). La gestion mécanique de ces vecteurs est donc compliquée. Les moucherons se dispersent par le vol sur des distances de 2 à 3 km, mais beaucoup plus en cas de vent.
Martine Romanens